samedi 12 novembre 2016

Jean Mermoz, Henri Erable et tous les autres...

Alors que se prépare l'édition 2017 du rallye aérien Toulouse-Saint Louis du Sénégal, deux commémorations ravivent le souvenir des pionniers des lignes aériennes Latécoère. La fin de l'année 2016 marque en effet le 80ème anniversaire de la disparition de Jean Mermoz au-dessus de l'Atlantique Sud. Dix ans plus tôt, un autre pilote de la " Ligne ", Henri Erable, était abattu par des guerriers nomades près du Cap Bojador (Cap Boujdour).

Le 4 décembre 1936, Jean Mermoz quitte son appartement parisien, face au Parc Montsouris, pour " faire un courrier sur l'Atlantique. " Il avait reporté son tour d'une semaine pour rencontrer, à Rio de Janeiro, l'ingénieur René Couzinet et Jean-Gérard Fleury, journaliste à Paris-Soir. Le 6 décembre au matin, il décolle en passager de Toulouse-Francazal, change d'avion à Casablanca et se pose à Dakar-Ouakkam le 7 décembre à deux heures. Mermoz choisit comme second pilote Pichodou, qui avait traversé 38 fois l'Atlantique, de préférence au novice Lanota. La Croix-du-Sud décolle, comme prévu, vers 3 heures 30, pour revenir cependant à son point de départ vers 6 heures. Une des hélices passe mal au grand pas. Faute d'appareil de réserve, c'est sur la même Croix-du-Sud que l'équipage redécolle, peu avant 7 heures, une fois la réparation effectuée. Jusqu'à 10 heures 47, le radio Cruveilher transmet au poste de Dakar les " T.V.B. " réglementaires. A cet instant, un début de message s'inscrit dans l'éther : " Coupons moteur arrière droit... " Puis, c'est le silence. On ne retrouvera rien de la Croix-du-Sud, ni de ses occupants. L'hypothèse fut émise, bien plus tard, que l'hélice s'était détachée, suite à une rupture de l'arbre, et avait sectionné les plans arrières.

Dix ans plus tôt, le 11 novembre 1926, deux Bréguet XIV décollent de Casablanca vers Dakar, où la " Ligne " s'arrêtait alors. L'un est piloté par Marcel Gourp, l'autre par Henri Erable. Chaque courrier comportait ainsi deux appareils, ce qui permettait d'emporter un mécanicien et un interprète indigène et de se porter mutuellement assistance en cas de panne. C'est le cas ce 11 novembre : le carburateur de Gourp se bouche, phénomène courant au-dessus du désert. Erable se pose auprès de son camarade, constate le caractère bénin de la panne, transborde le courrier et repart immédiatement. Il fait cependant demi-tour, car le Bréguet de Gourp ne suit pas, et en se posant pour la seconde fois, endommage un plan inférieur. C'est alors que surgit des dunes un groupe armé de nomades sahariens. Très vite, l'incident tourne au drame. Les nomades font feu, Henri Erable est tué sur le coup, le mécanicien, Pintado subit le même sort quelques instants plus tard, et Marcel Gourp, blessé, mourra dans un hôpital de Casablanca après deux jours d'agonie. Mermoz pilotait déjà sur la même ligne. Or, il devait accompagner Gourp à partir du Cap-Juby. Erable lui avait demandé de lui céder sa place, Mermoz avait accepté.

Jean Mermoz, né en 1901 et Henri Erable, né en 1903, avaient reçu sensiblement la même formation, comme tous les pilotes de la deuxième génération des lignes Latécoère, celle qui n'avait pas combattu pndant la Grande Guerre. Mermoz s'engagea dans l'aviation militaire en 1920, sans réelle vocation, et fut breveté le 29 janvier 1921. Après Le Bourget et Istres, il fut affecté à la 7ème escadrille du 11ème régiment de Metz, puis se porta volontaire pour la Syrie, où il demeura jusqu'en janvier 1923. Fin août, il fut nommé au 1er régiment de chasse de Thionville, et entra aux Lignes Aériennes Latécoère le 13 octobre 1924.

Henri Erable fut affecté, à 19 ans également, à l'école Caudron du Crotoy, le 22 août 1922. Breveté, il la quitta le 21 janvier suivant, contracta un engagement pour Abbeville et vola à Istres, Casablanca et à la 10ème escadrille de Meknes. Démobilisé le 2 août 1924, il reçu le brevet de pilote de transport public n° 843 le 1er décembre 1924 et entra chez Latécoère le 2 avril 1925.

Tous deux étaient déjà des pilotes de grande classe. " Sur G3, lit-on dans le dossier militaire de Mermoz, très bon élève, un peu nerveux, mais susceptible d'une grande perfection. Sur Nieuport, pilote très fin, régulier, précis et de sang-froid, avec beaucoup d'allant ". Et au sujet d'Erable : " pilote adroit, précis et sûr (...) gradé sérieux de tenue, conduite et éducation parfaites. "

On a beaucoup dit et beaucoup écrit sur le développement des lignes aériennes dans l'Entre-deux-guerres, mais l'on insistera jamais assez sur le rôle décisif des hommes qui les servirent, confrontés à des problèmes d'infrastructure, de navigation et, surtout, de matériel volant. Par leur ingéniosité, leur obstination et leur esprit de sacrifice, ils surmontèrent les faiblesses des outils rudimentaires dont ils disposaient et permirent leur lente, mais irrésistible adaptation aux exigences du service aérien. Qu'il soit permis, à l'occasion de ce double anniversaire, de leur rendre un hommage renouvelé,  et de croire qu'aujourd'hui encore, en dépit des apparences, nous n'avons pas atteint de tels sommets techniques que les qualités humaines puissent être négligées.

Henri Erable et son Breguet XIV. Copyright Région Poitou-Charentes, Inventaire du Patrimoine

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